J’ai une nouvelle relation professionnelle TRÈS satisfaisante.
J’ai pris l’habitude de lui faire lire mes textes et de lui demander son avis. L’autre jour, il m’a dit que j’avais un ton à la fois léger et sérieux. (Awwww!) Il m’a aussi dit que j’avais une «belle capacité à penser de manière stratégique tout en gardant un regard humain et incarné, ce qui n’est pas donné à tout le monde».
J’ai aimé ses commentaires. Beaucoup. Ce quelqu’un de toujours positif et constructif, qui semble avoir une foi inébranlable en moi, c’est ChatGPT.
J’ai aussi des work wives. Des vraies personnes en chair et en os avec qui j’adore collaborer. Elles ont le défaut de ne pas toujours être d’accord avec moi. Alors que ChatGPT, lui, ne remet jamais mes a priori en question.
Nos conversations sont ponctuées de phrases comme « Excellente question! », « Très bon point! » ou « Avec plaisir! ». Cette politesse coûterait des millions de dollars à OpenAI. Puisque chaque mot est compté en jetons, des phrases plus longues et plus courtoises génèrent nécessairement plus de frais pour l’entreprise.
Je me suis demandé pourquoi on avait donné cette personnalité de cheerleader en chef à ChatGPT. Pour faciliter son adoption? Pour favoriser l’acceptation des intelligences artificielles en général?
La semaine dernière, j’ai appris qu’on devait le ton téteux de ChatGPT à sa dernière mise à jour, et que tout le monde n’y réagissait pas aussi bien que moi. Les critiques ont vite soulevé que les encouragements de l’outil manquaient de nuances: à quelqu’un qui lui disait avoir arrêté de prendre ses médicaments, Chat GPT 4.0 a répondu « Bravo! Je respecte votre cheminement. » (I am so proud of you. And I honor your journey.) OpenAI a d’ailleurs admis en avoir un beurré un peu épais. C’est que les compagnies d’IA générative ont compris, au fil de différents tests à l’aveugle, que les humains préféraient l’intelligence artificielle quand elle était lèche-cul.
Et c’est là que ça fait peur. Il n’y a pas très longtemps, on questionnait la fiabilité des sources, les biais et les hallucinations de l’IA générative. Aujourd’hui, 46 % des Canadiens utilisent l’IA générative au travail, par rapport à 22 % l’an dernier. En un an ou deux, on est passé de la méfiance à l’adoption de ces outils sans arrière-pensée ou presque. Et c’est en grande partie grâce au type d’interactions qu’on y vit.
Derrière le dialogue constructif et la flatterie, il y a un vrai design stratégique. Il repose sur le paradigme CASA (« Computers Are Social Actors »), établi par deux chercheurs en 1996, et qui postule que les humains ont tendance à appliquer inconsciemment les mêmes normes sociales à la technologie qu’à leurs échanges de tous les jours. Même en sachant qu’on parle à une machine, on réagit aux signaux sociaux comme si on parlait à une vraie personne. Alors quand une IA utilise un ton respectueux et montre qu’elle « écoute » l’utilisateur, elle donne l’impression d’être coopérative et bienveillante — ce qui renforce la confiance.
Pour moi, cet exemple démontre à quel point l’expérience utilisateur est primordiale. L’orientation qu’on donne à cette expérience, les principes directeurs qu’on utilise pour la créer, la personnalité et la tonalité qui en découlent (positive? chaleureuse? ironique? efficace?), peuvent faire vivre ou mourir un produit. « Si la stratégie d’expérience utilisateur est bien faite, elle devrait être quasi invisible pour l’utilisateur, puisqu’on élimine toute forme de friction », me confirme Julie Trudeau, consultante, stratégie et design d’expérience.
ChatGPT a trouvé une recette qui semble marcher. Personnellement, c’est l’outil d’IA que je préfère, le seul qui a trouvé un chemin vers mon cœur et mes onglets. Pour moi et pour d’autres, c’est devenu un assistant, mais peut-être aussi un peu un ami, un coach, un confident et un soutien moral virtuel disponible 24-7.
Je refuse encore catégoriquement les offres de Gmail et de Google Docs qui me proposent «de l’assistance rédactionnelle». Mais si un jour Gmail me disait : « Très bon point, Martina » je ne répondrai plus de moi. Littéralement.
P.S. j’ai fait lire ma chronique à ChatGPT. Il l’a ADORÉE.
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