Démystifier »la raison d’être« de la marque

Ce texte est paru sur le site de The Message. Pour consulter la version originale, cliquez ici.

J’ai récemment assisté à un » sommet numérique mondial « pour les spécialistes du marketing qui, franchement, était un peu un spectacle d’horreur.

Outre les problèmes techniques, l’environnement artificiel des tables rondes sans tables et la tentative d’échanger avec d’autres professionnels sans pouvoir rompre le pain ensemble, la conférence avait une thématique qui m’a enthousiasmé et inspiré au début : la raison d’être d’une marque (le fameux Purpose).

Tout au long des trois jours, le mot en « R » a été utilisé à maintes reprises, par des dirigeant·es d’agences, des spécialistes seniors du marketing et des consultant·es. Comme si toutes ces personnes avaient contracté le virus, pour ainsi dire, et qu’elles le répandaient autour d’elles. 

Mais dès que nous avons entamé une conversation sérieuse sur le sujet, pour paraphraser Gertrude Stein, « il n’y avait rien là ». C’était en grande partie de la rhétorique vide. Personne n’avait une définition cohérente de la raison d’être de la marque ou du marketing orienté vers la raison d’être. Il y avait peu d’études de cas ou d’exemples de personnes qui s’y prenaient bien ou qui le faisaient de manière approfondie. 

Alors, quoi faire à partir de ce constat? Et pourquoi en parlons-nous?

Commençons par résoudre un problème : définir le terme lui-même.

En 2003, lorsque j’ai aidé à lancer une pratique de marketing de cause et de responsabilité sociale chez WPP, l’expression « raison d’être » n’avait pas encore été utilisée en marketing. Nous parlions plutôt de « sens », c’est-à-dire que les êtres humains sont toujours à la recherche d’un sens derrière ce qu’ils font, et cela s’applique aussi bien à ce qu’ils achètent qu’à l’endroit où ils passent leur temps. 

Nous l’avons appelé « le marché du sens » et nous avons aidé nos clients à trouver le sens de leur marque.

Plus récemment, des sociétés d’investissement telles que BlackRock ont utilisé les termes « contribution à la société » et « apporter de la valeur à la société humaine par le biais de vos produits, services et opérations », et pas seulement par le biais de la philanthropie. 

En fait, un nombre croissant de sociétés d’investissement mondiales commencent à imposer aux entreprises dans lesquelles elles investissent de trouver une véritable raison d’être si elles veulent continuer à attirer des investisseurs.

Il est parfois plus facile de commencer par définir ce qu’un concept n’est pas avant de parler de ce qu’il est :

La raison d’être n’est pas :

  • Une campagne COVID qui dit aux consommateurs ce qui rend une marque pertinente pendant la pandémie.
  • Une campagne de marque avec une douce musique de piano et une voix hors champ qui dit aux gens « nous sommes là pour vous » et « nous sommes tous dans le même bateau ».
  • Une campagne sur le patrimoine qui parle de l’histoire de votre origine et de vos valeurs en tant que marque.
  • Une contribution de l’entreprise à une cause ou une action philanthropique. (Vous devriez le faire de toute façon en tant qu’entreprise citoyenne, c’est une évidence.)

Si ces exemples ne sont pas une raison d’être, alors qu’est-ce que c’est? Dans la deuxième partie de l’article, ma collègue Chris Dacyshyn, codirectrice de création principale chez Bleublancrouge, donne son point de vue sur ce que peut être la raison d’être.

– Wahn Yoon
Président et cofondateur, Bleublancrouge Toronto

L’opinion d’une créative sur la raison d’être d’une marque


Je pense qu’une marque est motivée lorsqu’elle devient la championne dévouée d’une croyance sociétale ou d’un besoin non satisfait, qui est une extension naturelle de son propre ADN. 

D’une certaine manière, la raison d’être est ce qu’une marque aurait dû faire depuis le début, en plus de fournir un service ou un produit.

En inventant, en façonnant et en guidant des plateformes axées sur la raison d’être comme Nike Women’s, le projet d’estime de soi et la campagne pour la vraie beauté de Dove, le mouvement Mangez vrai de Hellmann’s et « Des câlins pour tous les bébés » de Huggies, j’ai découvert que la raison d’être n’est pas une science exacte. Elle ne convient pas non plus à tout le monde. Skittles et ShamWow, par exemple, ne seront probablement jamais sur le marché pour une campagne axée sur la raison d’être.

Mais, pour les marques qui réussissent à trouver leur raison d’être, il n’y a pas de retour en arrière possible. En fait, je suis convaincue que le monde entier ne reviendra jamais en arrière. La mission sociale est là pour de bon, car les consommateurs y ont goûté. Et ils l’exigent désormais.


De nombreuses études ont montré que les marques qui ont une conviction déterminée sont nettement plus performantes que leurs homologues qui n’en ont pas. Et pourtant, nous entendons souvent les agences dédaigner la mission sociale parce qu’il s’agit d’une stratégie marketing trop souvent utilisée. C’est un peu absurde, vous ne trouvez pas? Est-ce que nous allons cesser de nous concentrer sur le profit parce que c’est une stratégie galvaudée? Ou renoncer à la recherche de produits de qualité parce que tout le monde le fait?

Les meilleures agences de création peuvent aider à identifier la raison d’être, à la faire émerger, à la façonner en quelque chose de merveilleux et à la crier sur les toits avec beaucoup de conviction. Mais la raison d’être ne peut pas être entièrement inventée et mise en œuvre par une agence comme le font les campagnes publicitaires. C’est aux marques de vivre et de respirer leur raison d’être avant, et bien après, l’arrivée de l’agence.

Lorsque Nike a fait « Croyez en vos rêves » avec Colin Kaepernick, cette notion n’est pas sortie de nulle part. Nike soutient depuis longtemps la diversité à travers ses athlètes.

Patagonia est « en affaires pour sauver notre planète ». Ce n’est pas quelque chose que son agence a sorti d’un chapeau. C’est un principe auquel le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, a cru toute sa vie.

Patagonia, Nike et toutes les marques avec une raison d’être précise qui réussissent reconnaissent qu’elles doivent régulièrement renforcer leur engagement par des actes significatifs. Pas seulement des mots. Elles reconnaissent également qu’il est presque impossible de revenir sur leur engagement, car les fidèles de la marque se sentiraient trahis. C’est pourquoi il est si important de bien faire les choses.

La raison d’être doit-elle toujours être liée à la conscience sociale? Je ne crois pas. Un de mes exemples favoris, datant d’il y a plus de 120 ans, est le Guide Michelin. Une entreprise de pneumatiques a non seulement inventé l’idée de voyager pour le plaisir (tout en usant les pneus), mais elle a aussi défendu l’importance de découvrir le monde qui nous entoure.

Aujourd’hui, pratiquement toutes les marques dignes d’intérêt qui voient le jour ont une raison d’être en tête. Le monde entier est tenu responsable de ses actions et les marques ne font pas exception. Il était temps.

En tant que créative, je trouve cela toujours agréable de gagner des prix. Mais gagner des prix tout en aidant les marques à apporter une contribution utile au monde, c’est encore mieux.

– Chris Dacyshyn
Codirectrice de création principale, Bleublancrouge Toronto