La disparition des témoins (cookies) tiers transforme en profondeur les stratégies de ciblage et de mesure dans l’univers publicitaire. Pour y répondre, l’utilisation des données primaires – dans un environnement sécurisé et interopérable – s’impose comme un levier incontournable.
C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la semaine dernière un événement organisé par La Presse et Optable rassemblant plusieurs acteurs de l’industrie, agences et annonceurs confondus. Antoine La Salle, directeur associé, programmatique et social chez Glassroom, membre du Collectif Humanise, y a présenté des pistes concrètes autour de l’exploitation stratégique des données primaires, des environnements de clean room et du rôle des médias locaux.
Voici les trois grands enseignements qui en ressortent.
1. L’agence, catalyseur d’une solution durable
L’agence joue un rôle essentiel dans l’accompagnement stratégique des annonceurs, mais il est crucial que la gouvernance des données et la sélection des technologies demeurent entre les mains de ces derniers. Une clean room ne se résume pas à une nouvelle ligne dans un plan média : c’est une démarche structurante qui exige une réflexion approfondie en amont.
Elle requiert la mobilisation de plusieurs expertises internes chez l’annonceur : marketing, données, analytique, cybersécurité, TI, juridique… C’est un écosystème de composantes interconnectées qu’il faut penser comme tel.
L’agence intervient à plusieurs niveaux :
- Éducation et accompagnement stratégique : vulgariser le fonctionnement des clean rooms et sensibiliser aux enjeux de gouvernance et de confidentialité.
- Cartographie des cas d’usage : identifier les objectifs prioritaires pour tirer profit des données (segmentation, personnalisation, attribution, etc.).
- Coordination avec les équipes technologiques : assurer l’alignement entre les exigences marketing et l’environnement technologique du client.
- Activation et mesure : traduire les données en insights exploitables, enrichir les audiences et optimiser la performance des campagnes.
Une clean room bien intégrée ne devrait pas servir une tactique isolée, mais plutôt s’inscrire dans une stratégie globale, en cohérence avec les efforts CRM, analytiques et média de l’annonceur.
Une approche bien structurée et alignée sur les objectifs d’affaires garantit que les données primaires n’offrent pas seulement une occasion marketing, mais également un véritable levier de compétitivité durable.
2. Rester pertinent pour son audience malgré des témoins tiers moins performants.
L’un des enjeux majeurs de la limitation des témoins tiers est la capacité des annonceurs à maintenir un ciblage pertinent et efficace. Dans ce contexte, l’exploitation des données primaires sur des médias locaux devient une solution stratégique puissante, notamment en matière de personnalisation et de performance publicitaire.
L’un des aspects les plus intéressants est la personnalisation du message et du créatif en fonction des comportements réels des consommateurs. En associant des attributs précis à nos audiences (habitudes d’achat, préférences produits, fréquence d’achat, etc.), nous pouvons proposer des offres ultra-pertinentes et mieux contextualisées.
Par exemple, une chaîne d’épicerie souhaitant mettre de l’avant un produit comme Bio-K peut, en croisant ses données transactionnelles avec celles d’un éditeur local comme La Presse, cibler uniquement les consommateurs ayant déjà acheté ce produit. Le résultat : une communication plus ciblée, plus pertinente et plus efficace.
Ce type de ciblage, basé sur des signaux de données primaires enrichis par des médias locaux, génère des performances considérablement supérieures aux campagnes reposant sur des segments génériques.
Un autre avantage clé est la possibilité de recréer des fonctionnalités que plusieurs plateformes publicitaires ne permettent plus, notamment les audiences similaires (lookalike). Ce levier, autrefois très efficace pour élargir une audience tout en maintenant un haut niveau de qualification, devient difficile à activer depuis la perte de signaux des témoins tiers. Grâce aux médias locaux, il est possible de retrouver cette capacité d’extension d’audience dans un environnement sécurisé et maîtrisé.
- Construire des audiences similaires (lookalike) : Par exemple, un éditeur comme La Presse peut utiliser ses propres modèles pour identifier des lecteurs partageant des traits communs avec les acheteurs d’un produit spécifique, et ainsi élargir la portée de manière pertinente.
- Mener des stratégies de conquesting plus efficaces : En exploitant les données des éditeurs, nous pouvons cibler des consommateurs ayant des comportements similaires à ceux de nos clients existants, mais qui ne sont pas encore clients, augmentant ainsi les possibilités d’acquisition.
3. Multiplier les leviers d’activation pour maximiser la performance
L’activation des données primaires ne repose pas sur une seule méthode. Il existe plusieurs façons de les exploiter, chacune ayant ses avantages et ses considérations techniques. Pour obtenir un maximum d’impact, l’idéal est de diversifier les stratégies d’activation selon les contextes.
Voici trois approches complémentaires :
1. Croisement direct de données avec les éditeurs et activation en achat direct
L’annonceur et l’éditeur croisent leurs bases de données authentifiées dans une clean room afin d’identifier une audience commune à activer dans un environnement premium.
Avantages :
- Audiences qualifiées
- Données vérifiées
- Environnement brand-safe
- Impressions garanties
2. Ajout de données primaires dans les ententes programmatiques existantes
Il est possible de superposer les audiences issues des données primaires à des inventaires déjà activés (private deals, RON, ROS, etc.), sans modifier la structure des ententes.
Avantages :
- Mise en œuvre rapide
- Optimisation des campagnes en cours
- Aucun changement d’infrastructure requis
3. Création d’ententes sur mesure avec intégration de données
Cette approche implique une négociation spécifique avec l’éditeur pour intégrer le croisement de données dans la conception même de l’entente.
Avantages :
- Taux de correspondance (match rate) plus élevé
- Alignement précis entre l’inventaire média et les audiences ciblées
- Performance accrue et meilleur contrôle
Aucune approche ne garantit à elle seule la meilleure performance. C’est la combinaison des méthodes, ajustée selon les objectifs de chaque campagne, qui permet d’atteindre une efficacité durable et scalable.
Conclusion
L’activation des données primaires, dans un monde où les témoins tiers sont moins performants, ne doit pas être vue comme un simple ajustement tactique. Il s’agit d’un changement de paradigme qui redonne à l’annonceur la maîtrise de ses données, renforce la collaboration avec des partenaires média de confiance et crée un lien plus direct et plus pertinent avec les consommateurs.
Encore faut-il structurer cette démarche avec rigueur, aligner les expertises internes, choisir les bons partenaires technologiques et intégrer les clean rooms au cœur d’une stratégie globale.
C’est dans ce cadre que le rôle de l’agence prend toute sa valeur : non pas comme simple opérateur média, mais comme catalyseur d’un écosystème durable, performant et centré sur les données.
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