Fusions et acquisitions : L’expertise en branding complémentaire à celle de la finance, du droit, des RH et des opérations

Ce texte est paru sur le site web de BrandBourg. Pour consulter la version originale, cliquez ici.

BrandBourg et Tulipe, deux entreprises du collectif, se spécialisent dans des projets de fusions et acquisitions et de valorisation d’entreprises dans un contexte de vente. Comparativement aux firmes de communication traditionnelles, BrandBourg et Tulipe préconisent des approches stratégiques tant pour le segment interentreprises (B2B) que pour le segment entreprise-consommateur (B2C) afin de s’assurer que la stratégie de marque soit alignée à la vision d’entreprise et puisse recevoir une adhésion de l’ensemble des parties prenantes.

BrandBourg s’est entretenue avec Christian Pichette, associé principal et président de BrandBourg et Mathieu Ouellet, associé fondateur et président de Tulipe, pour parler de l’apport de l’expertise en branding dans un processus de fusion-d’acquisition.

« De notre expérience, le branding est souvent une considération qui arrive trop tard dans le processus de fusion-acquisition ou de vente d’une entreprise. Selon nous, l’expertise en branding est complémentaire à celle de la finance, du droit, des RH et des opérations. Bien que cela soit paradoxal pour des experts en marque de commerce, souvent nous suggérons de revoir l’ensemble du portefeuille de marques dans le but de consolider certaines marques afin d’en augmenter l’impact et d’optimiser l’allocation des ressources. Cette analyse devrait influencer la négociation et non pas se faire après coup. Nos outils d’analyse d’objectifs aident à centrer les discussions en réduisant la variable émotive qui caractérise souvent une transaction. »  – Christian Pichette

BrandBourg : On dit que le Canada est un peu en retard sur le plan des ventes et acquisitions d’entreprises. Est-ce vrai?

Mathieu : Au Québec, nous avons des joueurs de premier plan comme la CDPQ et Novacap qui permettent à nos entreprises de devenir des leaders dans leurs industries. Le capital est disponible; il faut cependant trouver les bonnes cibles et stratégies. L’important n’est pas le nombre de transactions, mais plutôt l’impact que ces dernières ont sur la trajectoire de croissance.

Il ne faut pas oublier que plusieurs fleurons tels que Metro et Couche-Tard ont utilisé la stratégie de fusion et acquisition pour prendre leur envol.

Christian : Cette affirmation était possiblement vraie il y a quelques années, mais aujourd’hui l’argent est vraiment disponible partout pour l’achat d’entreprises. C’est encore plus vrai avec les firmes de capital de risque qui ont les coffres pleins.

Bien entendu, cette situation peut varier par secteur d’activité, mais nous assistons à des consolidations de marché assez intenses, et ce, dans une perspective nord-américaine ou mondiale. Je ne sais pas si le rattrapage est vrai partout, mais aujourd’hui nous assistons à un marché très dynamique.

BB : Quels sont les critères de branding pour valoriser une transaction (achat ou vente)? Quelles sont les questions essentielles à se poser?

Christian : La réponse varie énormément selon que vous êtes vendeur·euse ou acheteur·euse, une entreprise en activité ou un fonds d’investissement, une entreprise en B2B ou en B2C, une entreprise locale ou internationale, etc. Cela dit, bien que ce soit du cas par cas, nous pouvons dégager des tendances lourdes :

– En effet, dans la majorité des mandats sur lesquels nous travaillons, un des livrables les plus demandés est d’établir un arbre décisionnel pour les compagnies ou marques acquises afin de répondre aux questions comme « Que faire avec la compagnie/marque acquise? », « Quand faut-il annoncer le changement? » et autres. Ainsi, même si vous vendez votre entreprise, vous devez tenir compte de cette considération dans vos négociations; vous devez évaluer comment votre entreprise/marque s’insère dans la stratégie de l’entreprise acquéreur.

– En B2B particulièrement, il y a une tendance lourde à réduire le nombre de marques sous une seule dominante (fusion de marques) ou en endossement; deux des stratégies d’architecture de marques les plus populaires actuellement. L’objectif est d’avoir une stratégie de portefeuille de marque claire avec des critères objectifs pour prendre la meilleure décision. L’arbre décisionnel que nous avons créé comporte 12 questions regroupées en considérations stratégique et opérationnelle. Généralement, chaque projet a une ou deux considérations spécifiques, pas plus. Ainsi, le processus est souvent similaire.

– L’autre considération qui est même à la base du marketing : il faut que les marques (entreprises) soient bien positionnées tant à l’externe qu’à l’interne. Une marque forte (différenciée, appréciée et en croissance) est manifestement plus valorisable qu’une marque qui ne bénéficie pas de telles conditions. Par ailleurs, le degré de compréhension de la clientèle est souvent un gros « plus » dans une transaction, car cela permet de facilement mesurer certains scénarios de cannibalisation ou de complémentarité. Ceci a un impact sur la valeur de l’achalandage, donc de l’entreprise. Même réflexion avec la marque employeur où un degré d’attachement élevé des employé·es est rassurant pour l’acheteur. Souvent, nous évaluons rapidement la promesse de marque (client·e et employé·e) en menant un court sondage afin d’évaluer les marques en question.

Mathieu : On qualifie souvent les actifs marketing comme intangibles. Ils sont tout sauf intangibles selon moi. Le défi avec le branding et le marketing en général est que les financiers ne maîtrisent pas toujours les leviers marketing pour créer de la valeur.

Pour capturer cette valeur, il ne faut pas avoir peur de rêver, mais il faut rêver de manière responsable. Pour y parvenir, il faut rêver, mais aussi avoir une stratégie pour activer la création de valeur et surtout l’expérience et la rigueur pour livrer la marchandise.

Avec les années, nous avons appris à la dure cette réalité et avons développé une méthodologie et une approche pour optimiser la création de valeur par l’entremise du marketing.

BB : On parle souvent d’acquisition ou d’intégration mal réussie. Quelle est, selon vous, la principale raison?

Christian : À moins d’utiliser une stratégie de marques autonomes (où il n’y a pas d’intégration), toute fusion ou acquisition implique nécessairement une intégration des visions, valeurs et cultures d’entreprises, ainsi qu’une évolution de la promesse de marque. Une façon facile de répondre à cette question est de dire que plus on force des cultures d’entreprises différentes à travailler ensemble sans bien préparer le tout, plus les chances d’échec sont grandes, voire garanties. Essentiellement, une transaction transformatrice est un chantier de gestion de changement et le plan de communication devra répondre aux nombreuses interrogations sur la nouvelle réalité opérationnelle et de marché de l’entreprise :

  • Quelle est la stratégie auprès des divers client·es actuels?
  • Quelle est la valeur ajoutée de la nouvelle stratégie en matière de croissance des affaires?
  • Quel est l’impact pour les employé·es?

De notre expérience, le plus grand gage de réussite est lorsque le projet de marque devient rassembleur pour l’ensemble de l’organisation. C’est encore plus vrai lorsqu’une entreprise perd son nom.

Mathieu : Il ne faut jamais se laisser amadouer par les chiffres et les retours financiers. On sous-estime trop souvent l’importance de la culture et des styles de gestion.

Quand on entame un projet de stratégie de croissance chez Tulipe, on passe beaucoup de temps à discuter avec les gens pour comprendre ce qui les motive, et pourquoi ils s’investissent corps et âme dans l’entreprise. Il faut s’assurer que les parties prenantes ne fassent pas que se parler, mais qu’elles se comprennent.

On oublie trop souvent que pendant le processus d’acquisition les gens impliqués sont en mode séduction. Une acquisition, ce n’est pas une histoire d’un soir, c’est une union à long terme. Il faut apprendre à bien se connaître si on ne veut pas avoir de mauvaises surprises.

Ça prend plus de temps et parfois il y a des conversations un peu moins agréables, mais au bout du compte c’est toujours payant de se parler « des vraies affaires » le plus tôt possible.

BB : Quelle est la valeur ajoutée de faire affaire avec des experts en branding dans un contexte d’investissement (ou de vérification diligente) et en quoi leur contribution a-t-elle un impact sur vos décisions ou recommandations?

Mathieu : En 2021, il y avait plus de 20 entreprises avec des marques ayant une valorisation de plus de 50 milliards $ US. Cette valeur ne se crée pas toute seule. Le branding est une expertise unique qui prend des années à maîtriser et est trop souvent absente au sein d’une entreprise. Pour accélérer le processus et augmenter la création de valeur, l’embauche d’un expert ou d’une experte est habituellement un excellent investissement.

De plus, lors du processus d’acquisition, les entreprises dépensent des centaines de milliers de dollars, voire des millions de dollars en frais de consultation pour valider et optimiser la stratégie « post-acquisition ». Seulement une fraction de ces frais est habituellement allouée au marketing et au branding… Pourtant, c’est souvent un des postes de dépenses les plus importants. Le marketing est un des outils les plus puissants pour créer de la valeur, mais on l’oublie trop souvent.

Christian : Selon moi, le rôle d’un professionnel ou d’une professionnelle en branding est tout aussi important que celui d’autres professions (en droit, en finance). Une experte en marque de commerce saura distinguer la valeur réelle de la marque actuelle (vs un achalandage normal), cerner des économies potentielles (s’il y a harmonisation du portefeuille), évaluer la force de la marque dans un nouveau marché ou les risques au niveau de la marque de commerce, de bien jauger les investissements en marketing, etc. De plus, cette personne saura bien gérer les aspects émotifs reliés au choix du nom de la compagnie… probablement la variable la plus sous-estimée d’une transaction d’achat ou de vente. Ainsi, si le volet de branding n’est pas un sujet à la table de négociation, cela peut engendrer des surprises plus tard, et même nuire aux chances de succès de la transaction dans un futur rapproché.

Dans le contexte actuel de marché, un ou une spécialiste en branding saura accompagner les entreprises tant sur le volet externe (le nombre de marques, le positionnement de chacune, etc.), que sur le volet interne (la marque employeur).