Être queer et visible au travail : pour qui et pourquoi?

C’est le Mois de la fierté et on me demande d’écrire un texte sur ce que ça représente pour moi. 

L’air de rien, ça fait une semaine que le texte qui va suivre me tourne dans la tête. Je me rends compte que le sujet est sensible et complexe. Le mois de juin arrive dans un contexte où les droits d’exister de ma communauté sont remis en question par des groupes qui sont de plus en plus bruyants. Dans les derniers mois, c’était terrifiant d’aller consulter l’actualité et de voir quel nouveau projet de loi venait d’être déposé aux États-Unis. Encore plus terrifiant quand j’ai vu ce discours se rapprocher de chez moi. Comme dans une très correcte chanson de Paula Abdul, j’ai fini par sentir qu’à chaque fois qu’on a fait deux pas en avant, on a refait deux pas en arrière.

Je n’ai pas eu la chance de grandir dans une ville où le mot fierté pouvait être attribué à des personnes comme moi. Jeune, j’ai appris à faire attention à ma façon de me présenter pour éviter de vivre de terribles journées. J’ai tenu un personnage pendant toutes les années où j’y ai habité, ce qui m’a permis de bien m’en tirer. Je n’avais personne pour me dire que j’avais le droit d’être moi-même, donc j’ai imité ceux qui étaient autour de moi.

Tout ça a changé quand j’ai rencontré quelqu’un qui n’avait pas peur d’être lui-même. Il était là : fier, visible et validé. Ça avait l’air fun, être lui. Après une année à l’avoir dans mon entourage, j’ai fini par éteindre la voix dans ma tête qui me disait que je ne pourrais pas être heureux si je me présentais comme je voulais être vu.

J’ai réussi à ajuster ma façon de me présenter dans mes cercles privés. Avec beaucoup de temps et d’efforts pour défaire de vieux réflexes, j’ai aligné mon personnage à la personne que je suis. J’ai ensuite fait mon entrée sur le marché professionnel.

Ce qui est complexe, au travail, c’est qu’on ne choisit pas ses collègues comme on choisit des ami·es. On choisit encore moins ses client·es. On n’a pas le luxe, dans ce cadre, de s’entourer de personnes qui partagent notre vision et qui nous valident. Dans de précédentes expériences de travail, on m’a demandé de tone down ma personnalité, de me présenter neutre et de mettre de côté tous les efforts que j’avais faits pour être confortable et heureux. Par moments, je me suis dit que ce serait plus simple de séparer les deux. Il y aurait un Hugo au travail et un Hugo dans des contextes sociaux. J’étais prêt à m’assurer que ces deux cercles ne se croisent jamais pour éviter que le masque tombe.

J’ai décidé de laisser ça de côté. J’ai décidé d’être visible, bruyant et fier. J’ai quitté les milieux dans lesquels on m’a demandé de me mettre de côté et j’ai continué à me présenter comme je suis, au travail comme dans mes cercles sociaux. Mon expérience a fini par me prouver que les journées sont belles quand on s’autorise à être vrai. Partout. J’ai eu le privilège de trouver un milieu de travail où on me le permet et où on est prêt à prendre ma défense au premier commentaire déplacé. Ça prend un village et je l’ai trouvé avec ma belle gang de Glassroom/Humanise.

Pour moi, le Mois de la fierté, c’est ça. C’est être visible pour les personnes qui ne sont pas encore prêtes à l’être. C’est montrer que j’existe. Que des millions de personnes comme moi existent et qu’elles ont le droit d’occuper l’espace public comme elles le veulent. Au travail comme à la maison.

C’est juin. C’est le Mois de la fierté. C’est le temps de célébrer et d’affirmer les personnes que nous sommes. On sait jamais. Il y a peut-être un·e jeune Hugo qui en a besoin.

Hugo Tourigny, analyste chez Glassroom