
Quand l’IA s’empare de votre logo: le brandjacking à grande vitesse
Une fausse pub de McDo, des boutiques en ligne qui disparaissent après paiement, des logos générés par IA qui se glissent sur des factures frauduleuses: le brandjacking entre dans une nouvelle ère. Et les marques doivent réagir vite.En juillet dernier, plus de 10 000 internautes roumains ont cru à une aubaine en voyant un combo McDonald’s annoncé à 2 dollars. Affichée sur Instagram et Facebook, la publicité paraissait crédible, mais cachait un piège bien ficelé. Pour réclamer leur récompense, les clients devaient remplir un court sondage puis débourser un petit montant afin d’accéder à un jeu présenté comme l’ultime étape d’un concours. À leur insu, ils étaient alors inscrits à un abonnement de 63 euros prélevés toutes les deux semaines, dissimulé dans les petits caractères que beaucoup n’avaient pas remarqués. Selon la firme de cybersécurité Bitdefender, qui a rapporté l’affaire, tout, du visuel à la mécanique du concours, avait été fabriqué à l’aide de l’intelligence artificielle.
Cet épisode n’est pas isolé. En Australie, des boutiques fantômes générées par IA copient l’identité de marques de vêtements comme Blue Illusion ou Millers puis encaissent des paiements pour des liquidations fictives. Dans le secteur B2B, des PME comme Rocklea Truck Spares voient leurs pages Facebook clonées, et leurs clients dupés par de fausses factures. Autrefois cantonné au luxe, le brandjacking — l’usurpation d’identité de marque — frappe désormais tous les secteurs, grandes enseignes comme petites entreprises.
La confiance en danger
Derrière ces arnaques se cache un enjeu beaucoup plus important: la confiance. Le Forum économique mondial, dans son Global Risks Report 2025, identifie la désinformation et la mésinformation comme les risques les plus graves à court terme pour les entreprises.
Les chiffres le confirment. Une étude d’Integral Ad Science révèle que 73 % des consommateurs se disent moins favorables à une marque associée à de fausses informations. La prolifération des deepfakes accentue encore plus cette défiance: selon iProov, près d’une personne sur deux fait moins confiance aux médias sociaux après avoir pris conscience de l’existence de contenus manipulés.
Dans ce climat, la confiance devient une ressource rare. Le Edelman Trust Barometer rappelle que 88 % des consommateurs la considèrent comme un facteur essentiel de leurs décisions d’achat. Et cette érosion n’est pas qu’une question de perception: elle se traduit en pertes bien réelles. L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle estime à 83 milliards d’euros par an l’impact de la contrefaçon dans 11 secteurs de son territoire. Chaque faux fragilise un peu plus la valeur de l’original et banalise l’idée que tout peut être copié.
Encadrer plutôt que freiner
Face à cette menace, certains pourraient être tentés de freiner l’innovation. Mais la véritable réponse n’est pas là: il ne s’agit pas de ralentir, mais d’encadrer.
Le Web 3.0 offre déjà des pistes concrètes pour contrer le brandjacking. LVMH, Prada et Cartier ont uni leurs forces au sein du Consortium Aura pour bâtir une solution blockchain commune. Breitling, de son côté, a émis plus de 200 000 NFT qui servent de certificats d’authenticité. Reliés à une puce NFC ou à un code QR, ces «passeports numériques» garantissent la provenance d’un produit, simplifient la gestion de la garantie et enrichissent l’expérience client.
Mais les NFT ne suffisent pas. Bien qu’ils prouvent la propriété d’un jeton, ils ne peuvent pas certifier que l’image ou la vidéo qui l’accompagne n’a pas été altérée. C’est ce qu’on appelle le «problème de l’oracle»: sans tiers de confiance pour vérifier la donnée en amont, la fraude peut être gravée dans le marbre numérique.
C’est pour combler cette faille que de nouveaux standards émergent. Le C2PA (Coalition for Content Provenance and Authenticity) signe cryptographiquement les contenus dès leur création, ce qui rend toute modification ultérieure immédiatement visible. Leica et Nikon l’intègrent déjà dans leurs appareils, et des plateformes comme Google ou TikTok s’y intéressent de près.
Transformer la menace en opportunité
La protection des marques repose donc sur un équilibre: combiner des technologies robustes, une vigilance humaine et des plateformes tierces capables d’agir comme arbitres de confiance. Car protéger une marque à l’ère de l’IA n’est pas seulement une affaire de cybersécurité. C’est une question de gouvernance et de stratégie.
En misant sur l’authenticité et la transparence, les entreprises ont l’occasion de transformer la menace en avantage, car les passeports numériques, les contenus signés et les standards de provenance peuvent aussi être des leviers marketing. Un simple code QR peut rassurer un consommateur, tout en lui ouvrant l’accès à une expérience exclusive ou à une communauté privilégiée.
La valeur d’une marque, aujourd’hui plus que jamais, ne se limite pas à son logo ou à son produit. Elle repose sur la confiance qu’elle inspire. Et c’est précisément là que l’innovation bien encadrée peut devenir un formidable moteur de croissance. C’est ce type de réflexion que nous menons avec nos clients chez Glassroom. Parce qu’à l’ère du brandjacking, protéger l’intégrité d’une marque n’est plus une option, c’est un avantage concurrentiel.