Cet article fait partie de la série WARC Spotlight Canada de février 2022 consacrée aux nouveaux thèmes qui influencent le marketing. Pour consulter la version originale, cliquez ici.
Chaque année au mois de juin, une quantité innombrable de marques arborent le drapeau arc-en-ciel en signe de solidarité avec la communauté LGBTQIA+. Toutefois, plusieurs entreprises se butent aux réactions négatives du public, qui met en doute la sincérité de leur engagement ou y voit un geste contradictoire. Cet article offre aux marques certains conseils pour communiquer de manière plus authentique.
- La clientèle LGBTQIA+ possède un pouvoir d’achat réel, qui représente 4,4 % des 3,7 milliards de dollars dépensés au Canada dans la catégorie des biens de consommation courante.
- On a constaté que la clientèle LGBTQIA+ est plus fidèle aux marques des entreprises qui la soutiennent et qui s’adressent directement à elle.
- Les marques doivent examiner leurs propres politiques et approches internes en matière d’équité, de diversité et d’inclusion pour s’assurer qu’elles sont cohérentes avec le message qu’elles diffusent à l’externe.
Pourquoi c’est important?
Les marques ne peuvent plus se contenter d’être présentes lors des célébrations de la Fierté en juin. Elles doivent accorder tout au long de l’année de l’importance aux personnes LGBTQIA+, en faisant preuve de compréhension, en tenant compte de leurs difficultés particulières et en soutenant leurs valeurs.
Faits saillants
Il y a environ 20 ans, la bière Labatt a été l’une des premières marques canadiennes à s’adresser directement à la communauté LGBTQIA+. Les actions militantes de la communauté auprès de marques qui jusque-là se montraient indifférentes et insensibles (Coors, United Airlines, Cracker Barrel) ont entraîné d’importants changements organisationnels en matière d’équité salariale, de politique d’entreprise et de droits des personnes salariées. En incluant des talents LGBTQIA+ dans toutes les équipes de l’organisation, et en faisant appel à des spécialistes externes en création et conception issus de la communauté, on diversifie le réservoir d’expériences et de connaissances et on accroît l’authenticité. Souvent sceptique à l’égard des véritables motivations des marques, la clientèle LGBTQIA+ recherche l’authenticité et l’empathie; ne pas tenir compte de ces besoins peut entraîner une cascade de réactions négatives, de boycottages et d’accusations de rainbow-washing.
« Notre société doit reconnaître cet élan irrépressible vers une égalité civile sans équivoque pour chaque personne gaie, lesbienne, bisexuelle et transgenre. » – Zachary Quinto
Chaque année au mois de juin, des entreprises de partout au Canada et de la plupart des pays occidentaux affichent fièrement des logos arc-en-ciel et lancent des initiatives, des campagnes et des produits pour souligner le mois de la Fierté. Et ce n’est pas sans raison, puisque le pouvoir d’achat de la population LGBTQIA+ au Canada est estimé à 86 milliards de dollars. De ce montant, ce groupe dépense annuellement 3,7 milliards de dollars en produits de consommation courante, soit 4,4 % des achats totaux du pays dans cette catégorie.
Pourtant, la communauté LGBTQIA+ n’a pas toujours été perçue comme une mine d’or par les publicitaires.
Au contraire, l’intérêt de l’industrie envers cette clientèle est passé de l’indifférence totale, à la curiosité, jusqu’au ciblage direct. Mais plus récemment, la relation s’est compliquée en raison du profond scepticisme de certains membres de la communauté. Les entreprises qui souhaitent cibler cette clientèle et redorer leur blason pour leurs bonnes actions envers les LGBTQIA+ doivent saisir parfaitement cette dynamique complexe. Et pour mieux cerner la situation actuelle, il est utile de comprendre comment l’évolution s’est produite et où en sont les spécialistes du marketing en 2022.
Les débuts : le marketing au temps du sida
Cette relation très nuancée a véritablement pris forme pendant l’épidémie de sida. Alors que la maladie dévastait la communauté et que le monde politique était critiqué pour son apathie à l’égard des personnes atteintes, certaines marques se sont exprimées. Pensons notamment à United Colours of Benetton, qui a fait des vagues avec une campagne extrêmement controversée présentant l’activiste David Kirby sur un lit d’hôpital, mourant des suites du sida. Pendant ce temps, quelques personnalités publiques courageuses et solidaires comme la princesse Diana n’ont pas hésité à embrasser (au sens propre) des malades du sida et la communauté gaie tout entière dans un élan de soutien sans précédent.
Dans la foulée, les publicitaires ont pris conscience du pouvoir d’achat de la communauté LGBTQIA+, alors que de nombreuses études prouvaient que les couples homosexuels, ayant moins de chances d’avoir des enfants, disposaient d’un revenu plus important – l’exemple parfait du groupe cible « couple à deux revenus sans enfants » (ou en anglais DINK pour Double Income No Kids). La clientèle LGBTQIA+ s’est également révélée plus fidèle aux entreprises qui la soutenaient et s’adressaient à elle.
Les publicitaires ont donc commencé à tâter le terrain, pour ainsi dire, en faisant du charme à la communauté gaie au moyen de la polysémie publicitaire (messages publicitaires ayant plusieurs significations distinctes possibles). En guise d’exemple, citons la célèbre publicité Da da Da de Volkswagen de 1997, qui de manière ambiguë et subjective met en scène un couple homosexuel. Cette époque a été marquée par des campagnes faisant de subtiles allusions à l’homosexualité, lesquelles pouvaient facilement être interprétées comme de simples relations amicales par le public hétérosexuel. Les exemples de « relation gaie ambiguë » sont nombreux dans la publicité et la culture populaire, à commencer par le « ambiguously gay duo » de Saturday Night Live.
L’évolution : les LGBTQIA+ dans la ligne de mire
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, cette curiosité s’est transformée en une véritable quête pour les publicitaires, qui se sont mis à cibler directement les membres de la communauté. La bière Labatt (propriété d’AB InBev) a commencé à créer des publicités spécifiquement destinées aux hommes gais. La vodka Absolut et d’autres marques de spiritueux ont intensifié leurs activités de commandite lors les marches de la Fierté en Amérique du Nord. Les personnes LGBTQIA+ ont peu à peu réalisé l’ampleur de leur pouvoir d’achat et ont commencé à « voter avec leur argent ».
Nous sommes ainsi entrés dans une toute nouvelle ère, où les personnes LGBTQIA+ ont commencé à exploiter consciemment leur pouvoir d’achat, allant même jusqu’à boycotter les marques qui refusaient l’égalité de traitement aux membres de leur personnel – une nouvelle voie pour l’activisme. C’est à cette époque que le public a appris que la famille Coors soutenait des groupes antigais et adoptait des pratiques discriminatoires en milieu de travail, ce qui a incité des bars gais des États-Unis et du Canada à boycotter leurs produits. En réponse à ce tollé, l’entreprise a étendu les droits des personnes salariées afin d’offrir une couverture égale aux partenaires de même sexe, puis a commencé à redorer son image au moyen de publicités ciblant la communauté homosexuelle.
Des entreprises comme Cracker Barrel, United Airlines et bien d’autres ont connu des situations similaires, qui ont entraîné une série de changements de politique et de messages publicitaires visant à restaurer la réputation de leurs marques auprès des LGBTQIA+.
Le contexte actuel : les actes sont plus éloquents, et plus efficaces, que les mots
Aujourd’hui, l’esprit du temps a évolué à un point tel que la publicité destinée à la communauté LGBTQIA+, si elle est lancée de manière irréfléchie, peut être vue comme du pink washing ou du rainbow washing, des formes de diversité de façade. Récemment, la campagne « Moi, entièrement » de la Banque Scotia (ci-dessus) présentait les visages et les voix de différentes personnes LGBTQIA+ racontant leurs expériences de la discrimination. Malgré ses bonnes intentions, la campagne a été critiquée dans les médias sociaux, non pas pour son contenu, mais parce que l’entreprise ne semblait pas avoir respecté ces messages dans ses propres politiques. Le commentaire « Où étiez-vous le mois dernier? » en référence aux actions des entreprises en dehors du mois de juin, fait partie de ceux qu’a suscités la campagne.
Et ce n’est pas le seul exemple. Le tollé anti-entreprise retentit sur les médias sociaux : chaque année au mois de juin, Twitter, TikTok et Instagram sont inondés de mèmes qui fustigent les campagnes publicitaires associées au rainbow-washing. L’année dernière, le mème du jour montrait la comédienne américaine Megan Stalter en propriétaire de magasin de beurre qui essayait d’obtenir une part du gâteau lucratif qu’est la Fierté : « Nous faisons du beurre depuis 1945 et nous acceptons tout le monde depuis… les quatre derniers mois. »
Le moment est donc venu de présenter une série de conseils pratiques pour aider les marques à prévenir ce genre de réaction et à prouver la sincérité de leur engagement envers la communauté LGBTQIA+.
Conseil 1 : Déployer des efforts à l’interne d’abord
Avant de diffuser des messages de tolérance, de diversité et d’inclusion à l’extérieur, il faut le faire à l’interne en mettant en œuvre des programmes et des politiques visant à créer des espaces plus sûrs pour le personnel LGBTQIA+, par exemple :
- Des toilettes non genrées (ou individuelles)
- Des politiques qui respectent l’expression de genre et les pronoms des personnes.
- Des espaces sûrs pour accueillir une diversité de personnes LGBTQIA+ appartenant à d’autres groupes, comme la communauté noire ou les personnes handicapées.
- Des audits rigoureux pour s’assurer que l’organisation n’appuie aucune mesure ou personne anti-LGBTQ+ (politiques, personnalités politiques, etc.)
Par exemple, IKEA démontre chaque année son soutien à la communauté LGBTQIA+ en posant une action concrète. En 2019 elle a obtenu un score de 100 % sur le Corporate Equality Index (l’indice d’égalité des entreprises), qui est supervisé par la Human Rights Campaign (HRC).
Conseil 2 : Travailler avec des talents LGBTQIA+
Autant que possible, faites participer les personnes LGBTQIA+ à la création d’idées destinées à la communauté LGBTQIA+. Idéalement, créez un groupe diversifié sur d’autres plans.
Cela inclut les équipes créatives et le personnel des agences, mais aussi les talents avec lesquels nous travaillons pour concrétiser les idées, notamment les :
- Photographes
- Acteurs et actrices
- Modèles
- Éditeurs et éditrices
- Producteurs et productrices
- Directeurs et directrices
Les personnes LGBTQIA+ sont les mieux placées pour exposer leur point de vue sur l’expérience LGBTQIA+ et donner corps aux idées de manière authentique, sans tomber dans une forme quelconque d’exploitation.
Conseil 3 : Rémunérer tout le monde équitablement
- Lorsque vous travaillez avec des artistes et des équipes de création LGBTQIA+, payez-les équitablement. Évitez de demander des conseils gratuits ou de faire des efforts d’inclusion symboliques.
- Respectez le savoir-faire, les expériences et le talent des artistes LGBTQIA+ et, autant que possible, faites entendre leur voix et mettez leur travail en avant lorsque vous faites la promotion de votre marque.
- Les personnes LGBTQIA+ sont généralement sous-payées, et ce, dans tous les secteurs d’activité. Une méta-analyse regroupant plusieurs études a démontré que les hommes gais gagnent 11 % de moins que leurs homologues hétérosexuels, tandis que les lesbiennes gagnent 9 % de plus que les femmes hétérosexuelles.
Conseil 4 : Soutenir
Les initiatives et les campagnes de marketing seront mieux accueillies si elles soutiennent activement la communauté LGBTQ+ au moyen :
- De dons
- De gestes engagés
- D’occasions favorables
En adoptant une approche réfléchie, les marques ont la possibilité de créer des liens significatifs et durables avec la clientèle LGBTQ+ et d’exprimer leur sensibilité à l’égard des luttes et des valeurs de cette communauté.
Parce que le drapeau arc-en-ciel, c’est bien plus qu’un étendard qu’on déploie pendant un mois ou dans le but de faire un geste vertueux : c’est un symbole des souffrances et des victoires d’une communauté diversifiée qui, encore aujourd’hui, doit se battre pour l’égalité de ses droits et pour être traitée équitablement, même dans les sociétés les plus progressistes en apparence.
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